Les Acadiens sont établis sur le territoire de la Nouvelle-Écosse depuis la fondation de Port-Royal, en 1604. Ils y ont fondé une petite colonie bien vivante près de la baie de Fundy, construisant des digues pour apprivoiser les hautes marées et irriguer les prés riches de foin. Largement ignorés par la France, les Acadiens en viennent à développer une grande indépendance d'esprit. Avec leurs amis et alliés les Mi'kmaq, ils se sentent en sécurité, même quand, après 1713, la souveraineté sur leurs terres passe aux mains de la Grande-Bretagne (voir Traité d’Utrecht).
En 1730, les autorités britanniques persuadent les Acadiens de prêter serment, sinon d'allégeance, du moins de neutralité, en cas de conflit possible entre la Grande-Bretagne et la France. Au fil des ans, la situation des Acadiens en Nouvelle-Écosse devient toutefois de plus en plus précaire. La France fait monter les enchères en construisant la grande forteresse de Louisbourg sur l'île du Cap-Breton. En 1749, les Anglais répondent à cette menace en établissant une base navale à Halifax. En 1751, les Français construisent alors le fort Beauséjour sur l'isthme de Chignectou et les Anglais ripostent avec le fort Lawrence, à deux pas de là.
Alors que les précédents gouverneurs britanniques se sont montrés conciliants avec les Acadiens, Charles Lawrence, lui, est disposé à prendre des décisions draconiennes. Il considère la question acadienne comme un problème strictement militaire. Après la chute du fort Beauséjour aux mains des Anglais en juin 1755, Lawrence remarque que, parmi les habitants du fort, quelque 270 Acadiens appartiennent à la milice ‒ un peu trop, selon lui, pour des gens qui professent la neutralité.
En juillet 1755, à Halifax, lors de rencontres avec les Acadiens, Lawrence presse les délégués de prêter un serment d'allégeance inconditionnel à la Grande-Bretagne. Devant leur refus, il les enferme et donne l'ordre fatidique de la déportation.
Au sein de son Conseil, Lawrence est fortement soutenu par les immigrants de fraîche date de la Nouvelle-Angleterre, qui convoitent les terres des Acadiens. Des commerçants de Boston s'étonnent d'ailleurs souvent du fait que l'on permette à des « étrangers » de posséder d'aussi belles terres dans une colonie britannique.
C'est justement un immigrant de la Nouvelle-Angleterre, Charles Morris, qui a conçu le plan consistant à encercler les églises acadiennes un dimanche matin, à capturer autant d'hommes que possible, à rompre les digues et à brûler maisons et cultures. Quand les hommes refusent de se rendre, les soldats menacent leur famille avec des baïonnettes. Ils partent donc, bien malgré eux, en priant, chantant ou pleurant. À l'automne 1755, près de 1 100 Acadiens ont été placés à bord de navires se dirigeant vers la Caroline du Sud, la Géorgie ou la Pennsylvanie.
Lawrence insiste auprès de ses officiers pour qu'ils ne prêtent aucune attention aux « supplications [ou] pétitions que vous adresseront les habitants, quels que soient ceux qui désirent rester ». Lorsque le colonel John Winslow lit l'ordre de déportation, il admet que le devoir qui lui incombe lui est très désagréable et va à l'encontre de sa nature et de son caractère. Dans une phrase qui aurait sa place dans le cadre d'atrocités bien plus récentes, il ajoute : « Il ne m'appartient pas de critiquer les ordres que je reçois, mais de m'y conformer ».
Certains Acadiens résistent, en particulier Joseph Beausoleil Brossard, qui dirige nombre de raids de représailles contre les troupes britanniques. Beaucoup s'échappent dans les forêts où les Britanniques continueront de les pourchasser pendant cinq ans. Parmi eux, 1 500 s'enfuient en Nouvelle-France, d'autres au Cap-Breton ou en amont de la rivière Petitcodiac. Sur les quelque 3 100 Acadiens déportés après la chute de Louisbourg en 1758, on estime à 1 649 le nombre de ceux qui sont morts de noyade ou de maladie, ce qui représente un taux de mortalité de 53 %.
De 1755 à 1763, environ 10 000 Acadiens auront été déportés. Ils sont envoyés à différents endroits autour de l'Atlantique. Beaucoup se retrouvent dans des colonies anglaises, d'autres en France ou dans les Caraïbes. Des milliers meurent de maladie ou de faim à cause des conditions sordides qui existent à bord des navires. Comble de malheur, les habitants des colonies anglaises n'ont pas été avertis de l'arrivée imminente de réfugiés malades et en sont furieux. Nombre d'Acadiens sont obligés, comme dans le célèbre poème Évangéline de Longfellow, d'errer sans fin à la recherche des leurs ou d'un foyer.
Même si les Britanniques ne les envoient pas en Louisiane, bon nombre d'Acadiens sont attirés par cette région où l 'on parle une langue qui leur est familière; ils s'y installent et développent la culture des « Cajuns », comme on l 'appelle de nos jours.
En Nouvelle-Écosse, les terres acadiennes vacantes sont rapidement occupées par des colons venus de la Nouvelle-Angleterre. Après 1764, leurs premiers propriétaires sont finalement autorisés à revenir. Ils s'installent loin de leurs anciennes demeures, soit autour de la baie Sainte-Marie, à Chéticamp, au Cap-Breton, sur l'Île-du-Prince-Édouard ou dans le nord et l'est de ce qui est aujourd'hui le Nouveau-Brunswick.
Après coup, cette expulsion s'est révélée autant inhumaine qu'inutile du point de vue militaire. Le manque d'imagination de Lawrence y aura joué un rôle aussi grand que la cupidité, la confusion, l'incompréhension et la crainte.
Les vagues de migration des Acadiens vers une nouvelle Acadie se poursuivront jusque dans les années 1820. L'attachement à leur identité a survécu à cette dure épreuve et est encore bien vivant aujourd 'hui ‒ un remarquable exemple de la volonté humaine face aux manifestations de la cruauté.
Voir aussi Histoire de l’Acadie; Acadie contemporaine