Un iceberg est un bloc de glace qui s’est détaché d’un glacier suivant un processus appelé « vêlage ». Au Canada, les icebergs proviennent principalement des glaciers qui bordent la côte ouest du Groenland. Ils se déplacent vers le sud en longeant le littoral est du Canada.
Formation
Le glacier peut être, selon le cas, une langue glaciaire qui s’écoule dans un fjord, ou une immense plateforme de glace flottante s’étendant au-delà du littoral. L’iceberg peut se détacher du glacier lorsque ce dernier entre en contact avec l’eau, ou encore sous l’action des vagues ou des marées, et parfois à la suite de secousses sismiques. Il arrive aussi, mais plus rarement, qu’un petit iceberg se forme sous l’effet de la pression exercée sur la portion immergée du glacier. Les icebergs ainsi créés peuvent émerger soudainement à la surface. La formation des icebergs est de plus en plus influencée par les changements climatiques.
Une fois détachés, les icebergs peuvent fondre ou se désagréger, donnant naissance à des fragments plus petits appelés « bourguignons » ou « bergy bits ».
Apparence
La plupart des icebergs sont blancs, excepté lorsqu’ils proviennent de pans de glace très actifs, auquel cas ils présentent alors une teinte bleutée. D’autres présentent des teintes vertes, brunes ou noires ou une combinaison de ces couleurs. Habituellement, ces icebergs se sont retournés sur eux-mêmes et exposent alors la couche de glace présente à leur base, ou ils ont émergé après s’être détachés sous l’eau. Ce sont des variations au niveau de la densité de la glace, de la concentration des bulles d’air et des impuretés qui produisent ces différentes colorations. Ainsi, une glace noire reflète une densité élevée et l’absence de bulles d’air, tandis que des couches sombres trahissent la présence de matières rocheuses provenant de la base du glacier d’origine. Parfois, on peut trouver des rochers sur la surface supérieure d’origine de l’iceberg. Au fur et à mesure que l’iceberg fond, ces matériaux se détachent et vont se déposer au fond des lacs et des océans sous la forme de sédiments.
Distribution et dimension
Certains icebergs sont retenus captifs dans des lacs (comme c’est par exemple le cas sur le lac Lowell, dans le parc national Kluane), mais la grande majorité se rencontre dans les océans. Les icebergs dont le sommet est plat sont dits « tabulaires ». Dans l’Antarctique, ils couvrent communément plusieurs dizaines de kilomètres carrés et font plusieurs centaines de mètres d’épaisseur. L’un des icebergs tabulaires les plus grands jamais observés mesurait 160 km de long et 72 km de large, et le plus long s’étendait sur une distance de 185 km. Les icebergs s’élèvent typiquement à une hauteur de 35 à 45 m au-dessus du niveau de l’eau et ont donc une épaisseur totale de 250 à 320 m, quoiqu’il soit possible d’en rencontrer des beaucoup plus épais. Dans l’océan Arctique, on nomme « îles de glace » les morceaux de plateforme de glace flottante qui se forment principalement sur la côte nord de l’île d’Ellesmere. Ces minces icebergs tabulaires ont une épaisseur typique de 30 m et occupent souvent jusqu’à 100 km2. Ils ne dépassent généralement que de 2 à 6 m au-dessus du niveau de la mer.
Les icebergs de forme irrégulière sont plutôt caractéristiques des eaux côtières du Groenland et du Nord du Canada. Un grand nombre proviennent des fjords du Groenland dans lesquels viennent se jeter des glaciers très dynamiques issus de la nappe glaciaire continentale. Ces glaciers descendent habituellement sous la limite des neiges éternelles et présentent souvent un aspect chaotique résultant de leur long parcours vers la mer et de l’action des marées et des vagues. Ils peuvent produire des icebergs de forme très irrégulière, composés de glace presque pure, avec des flèches s’élevant parfois jusqu’à 100 m au-dessus du niveau de la mer.
Dynamique et stabilité
La composition des icebergs tabulaires antarctiques varie graduellement de la neige en surface à la glace aux environs de la ligne de flottaison. Cette caractéristique, combinée à leur forme tabulaire, leur procure une stabilité beaucoup plus grande que celle des icebergs arctiques typiques qui, au cours de leur voyage final, s’inclinent assez vite avant de rouler sur eux-mêmes. Lorsqu’un vêlage se produit à partir d’un iceberg déjà incliné, le déplacement du centre de gravité peut suffire à faire basculer l’iceberg, ce qui représente un sérieux danger pour les navires.
À long terme, le mouvement des icebergs est régi principalement par les courants marins, mais d’autres forces comme la poussée des vents et l’action des vagues, surtout au moment des tempêtes, peuvent influer considérablement sur leur déplacement à court terme. La fonte au-dessous de la ligne de flottaison est lente, mais continue tandis qu’elle n’est qu’intermittente au-dessus et varie suivant le lieu géographique et la saison.
Comme l’océan transmet l’énergie des vagues, les icebergs sont soumis à leur action. Ainsi, en plus de dériver au gré des courants marins, les icebergs oscillent verticalement et roulent à une certaine fréquence. Les icebergs possèdent leurs propres fréquences d’oscillation qui dépendent de leur densité et de leur épaisseur et ils peuvent ainsi entrer en résonance avec certaines vagues.
Selon la forme de l’iceberg et sa richesse en matières rocheuses, le rapport du volume de glace immergée au volume total de glace se rapproche plus ou moins du rapport entre la densité de la glace et celle de l’eau de mer, soit environ 0,88 pour les icebergs de l’Arctique et 0,85 pour ceux de l’Antarctique. La portion émergée d’un iceberg de forme irrégulière n’est pas forcément révélatrice de la forme de sa partie immergée; toutefois, on peut en découvrir la géométrie à l’aide d’un radar aéroporté ou d’un sonar à balayage latéral, installé à bord d’un bateau. On effectue des études de ce genre et, entre autres, des tests de remorquage et des études sur la stabilité des icebergs au Centre for Cold Ocean Resources Engineering (C-CORE) à St. John’s, à Terre-Neuve.
Applications
Au cours des quelque 30 dernières années, plusieurs îles de glace de l’Arctique, sur lesquelles des aéronefs peuvent atterrir, ont été utilisées à l’occasion par les États-Unis et l’ex-URSS comme plateformes mobiles de recherche. Depuis 1985, une station canadienne est maintenue en exploitation sur une île de glace flottante qui s’est détachée de la plateforme de glace Ward-Hunt en 1983. Comme un grand nombre d’îles de glace flottantes sont retenues prisonnières dans les tourbillons de l’océan Arctique, elles peuvent subsister de nombreuses années, ne fondant et ne s’effritant que lentement sur leur pourtour.
Activités humaines
Dans l’hémisphère Nord, les icebergs présentent un danger pour certaines activités humaines. Au large des côtes du Labrador et de Terre-Neuve, les activités d’exploration et de production de pétrole actuellement en cours nécessitent l’utilisation de plateformes de forage qui peuvent être endommagées par des icebergs. À proximité de Valdez, en Alaska, le glacier de Columbia montre des signes de désagrégation dans sa zone terminale. Des icebergs pourraient donc pénétrer dans le golfe du Prince William et mettre en danger les pétroliers qui opèrent à partir du port de Valdez.
Les glaciologues de l’US Geological Survey (Service géologique des États-Unis) sont en mesure de publier des prévisions concernant le mouvement des icebergs. Les activités d’exploitation du pétrole et du gaz naturel entreprises dans la mer de Beaufort et entre les îles de la Reine-Elizabeth doivent tenir compte du risque de collision entre les îles de glace, même de petite taille, et les plateformes de forage ou les pipelines. Aujourd’hui, dans l’Atlantique Nord, la menace présentée par les icebergs est toutefois minimisée grâce à la mise sur pied d’une patrouille internationale des glaces après le naufrage du Titanic, en avril 1912.
Changements climatiques
De bien des façons, les icebergs sont des indicateurs des changements climatiques. Il est par exemple probable que le réchauffement des eaux près des fronts de vêlage accélère la formation des icebergs. Entre 2005 et 2010, les températures estivales moyennes sur les îles de la Reine-Elizabeth ont été supérieures aux valeurs mesurées sur les 60 années précédentes.
La plateforme de glace Ward-Hunt illustre comment la hausse des températures affecte les îles de la Reine-Elizabeth.Cette plateforme de glace, qui date d’au moins 3 000 ans, est la plus grande plaque de ce type dans l’Arctique et elle s’étend le long du littoral nord-est de l’île d’Ellesmere. En 2002, plusieurs grands icebergs se sont détachés de la plateforme et une grande fracture est apparue. Depuis, plusieurs autres fractures se sont formées et le vêlage continue, avec notamment la formation d’une île de glace de 50 km2 en 2010.
La désagrégation des plateformes de glace et la formation des icebergs ne font pas que nous rappeler les effets des changements climatiques sur le paysage, ils posent aussi des défis environnementaux qui leur sont propres. Avant de commencer à se désagréger, la plateforme de glace Ward-Hunt agissait par exemple comme un barrage pour un lac d’épibanquise (un plan d’eau douce flottant sur de l’eau de mer plus dense). Lorsque la plateforme s’est fracturée, le lac s’est déversé dans l’océan Arctique, entraînant dans sa destruction celle d’un rare écosystème microbien qui comprenait peut-être des espèces inconnues. De même, les écosystèmes de glace de mer forment la base de la chaîne alimentaire de l’Arctique et la perte de glace de mer affecte donc un grand nombre d’animaux, allant du zooplancton aux ours polaires.
On observe également une rapide destruction de la glace de mer et une formation plus rapide des icebergs en Antarctique. Le froid extrême et les conditions désertiques qui règnent sur ce continent font que peu d’animaux terrestres y résident. Les espèces marines de l’Antarctique sont cependant plus diverses et nombreuses. Les chercheurs ont observé que l’augmentation du nombre d’icebergs et leur capacité croissante à dériver sur un océan de plus en plus libre de glace nuisent à cette biodiversité. Lorsqu’ils dérivent, la portion submergée des icebergs racle parfois sur les fonds marins, détruisant la plus grande partie des organismes avec lesquels ils entrent en contact.